Deuxième période : Laurent gérant (2000–2009)

Lau­rent est devenu pour la plu­part « Lolo patron de bar ». On entre à La Per­le pour le per­son­nage, sa joie, sa bonne humeur, sa ten­dresse et ses bisous. C’est la cou­tume de nom­mer par un diminu­tif le patron de bar. Le « Mess­guet » util­isé par son club de foot ne tient pas, il est rapi­de­ment rem­placé par le « Lolo » util­isé par sa mère depuis tou­jours dans l’intimité famil­iale et employé par les potes du club théâtre de Brain. C’est par ces mêmes amis, devenus clients de La Per­le, qu’il entre dans les usages. Et la ten­dresse « bor­del », elle est toute naturelle, instinc­tive, elle fait entière­ment par­tie de la notion d’accueil. Embrass­er, touch­er femme comme homme c’est la mise en con­fi­ance, l’entrée dans le cer­cle famil­ial du bar. Lau­rent con­naît bien les lim­ites des câlins : il n’y a que ten­dresse et ami­tié der­rière ces con­tacts tactiles.

Changement de statut

C’est en jan­vi­er 2000 que Lau­rent change de statut. Rem­plis­sant les con­di­tions admin­is­tra­tives des six ans de pos­ses­sion du fonds de com­merce, il peut devenir gérant de La Per­le. La société de Jean-Michel Mus­sard peut met­tre en gérance libre le bar, dis­so­ciant ain­si la ges­tion de la fri­terie de celle du bar. La société du Maca­tia loue le fonds à Lau­rent qui gère lui-même ces déci­sions com­mer­ciales, sa compt­abil­ité et ses choix. Le con­trat de gérance écrit par Yves, son ami avo­cat, est déposé auprès de la cham­bre de commerce. 

Le bug de l’an 2000 n’a pas eu lieu mais, pour la société Maca­tia, les ennuis com­men­cent. Le syn­dic de pro­priété Gas­taud-Moi­son doit renou­vel­er le bail com­mer­cial de l’immeuble du 8 rue du Port-au-Vin, La Per­le, auprès de son locataire, la société Maca­tia. Le nou­veau loy­er passerait de 1 440 F à 8 000 F men­su­els… Jean-Michel entre dans une folle colère, prêt à pren­dre le fusil pour toute dis­cus­sion. Heureuse­ment, Lau­rent est beau­coup moins san­guin. Il pro­pose d’entamer des négo­ci­a­tions avec l’aide de son avo­cat, Yves. Un dossier est déposé auprès du médi­a­teur du tri­bunal de com­merce. Le marché con­cer­nant les fonds de com­merce et les baux com­mer­ci­aux inhérents à ces com­merces est un marché libre à encadrement ouvert. Il existe bien sûr quelques indices le bor­nant, mais ceux-ci sont vagues (emplace­ment, prox­im­ité com­mer­ciale, bon vouloir des pro­prié­taires immo­biliers…). Le syn­dic s’appuie sur les valeurs de loy­ers des com­merces de la place du Com­merce et de la rue de la Fos­se par exem­ple, et la rue du Port-au-Vin “par son charme et sa beauté” (elle qui est con­sid­éré comme un coupe-gorge noir et lugubre !) devrait avoir à ses yeux le même indice de fréquen­ta­tion et de valeur marchande. D’autre part, l’état du bâti et des locaux n’entrent pour ain­si dire pas dans le cal­cul de cette valeur. C’est sur ces qual­ités que se portera les débats de la négo­ci­a­tion avec le médi­a­teur du tri­bunal de com­merce. Durant trois à qua­tre ans, une enquête sera menée sur la cota­tion et l’expertise des loy­ers de cette zone pié­ton­nière et étay­era la prob­lé­ma­tique, freinant ain­si les désirs du syn­dic et les ramenant à une réal­ité nor­male (indice de l’augmentation des valeurs immobilières).

Sous les eaux…

Il pleut sur Nantes et les eaux mon­tent dans La Per­le. Cocasse : les inon­da­tions vien­nent du fond du bar, avec clapo­tis et autres jeux d’eau les jours ou péri­odes de pluie. Lau­rent sert entre deux coups de ser­pil­lière, armé de son seau… Les travaux de réfec­tion de la toi­ture arrière et la réso­lu­tion des prob­lèmes de descente des eaux plu­viales ont pour­tant été demandés au syn­dic. On a bien vu un jour un arti­san mon­ter dans les étages mais il a du se per­dre dans les ruines du gre­nier. Il a bien poussé une baig­noire, qui se trou­vait là, sous le toit incrim­iné, des bassines et autres boîtes ont été étalées dans cet espace exigu, cela n’a pas suf­fi. Il pleut sur Nantes… La sit­u­a­tion frôle la fer­me­ture admin­is­tra­tive pour insalubrité, alors l’équipe Jean-Michel-Lau­rent-Yves n’a d’autre choix que d’attaquer le syn­dic de pro­priété Gas­taud-Moi­son pour mise en péril du com­merce et de l’immeuble loué par eux. La procé­dure sera longue et éprou­vante pour tous : huit ans avant de sor­tir de ce tra­cas. Cou­vreurs et bricoleurs se suc­cè­dent pour arranger la sit­u­a­tion, solu­tion de for­tune en atten­dant une véri­ta­ble déci­sion de pos­si­bil­ité de travaux.

L’étage trouve son usage

Au bar la vie con­tin­ue. En avril 2002, la salle du haut devient le siège du Forum d’expression libre, mou­ve­ment créé entre les deux tours de l’élection prési­den­tielle, avec le duel Chirac / Le Pen pour déto­na­teur. Des asso­ci­a­tions citoyennes et mil­i­tantes s’organisent et débat­tent en réac­tion au résul­tat du pre­mier tour de l’élection. Elles pré­par­ent dans ce lieu et dans une fer­veur com­bat­tante les man­i­fes­ta­tions publiques nan­tais­es. L’effervescence de cette lib­erté de parole, de partage et d’ouverture amène au bar une nou­velle pop­u­la­tion, de nou­velles têtes, et déter­mine le futur usage de la salle du haut, un lieu de tous les pos­si­bles. Tous et toutes sont con­scients de la chance d’avoir en ce cœur de la ville un espace de lib­erté et de ren­con­tres ouvert à tous, un abri cen­tral. Cha­cun se l’appropriera à sa manière, ate­lier d’écriture ou de théâtre, salle de réu­nion, espace de brico­lage, salle de ban­quet, salle d’expo, salle de spec­ta­cle, marché… Au cours de ces années, le corps de Lau­rent se révolte con­tre l’escalier d’accès à la salle. L’ordonnance du toubib est sans appel, il faut arrêter de servir à l’étage, les usagers mon­teront eux-mêmes leur con­som­ma­tion et redescen­dront leur verre. L’habitude se prend rapi­de­ment et spon­tané­ment. Lau­rent se per­met des res­pi­ra­tions en se faisant rem­plac­er ponctuelle­ment par des habitués, la tré­sorerie ne per­me­t­tant pas de pren­dre de salarié. Ce besoin d’air est indis­pens­able à son équili­bre, il faut agir pour ne pas être bouf­fé par le bar et finir seul. Son divorce en 2001/2002 l’amène à pren­dre des temps priv­ilégiés pour ses enfants et pour lui-même.

Soirées privées, radio…

Le volet roulant (qui par moment reste coincé et demande les efforts de cha­cun pour repren­dre sa posi­tion ouverte ani­mant dans cette procé­dure la rue en un spec­ta­cle vivant) per­met des soirées privées où le bar se trans­forme en auberge : on sort les cou­verts, on apporte la grande gamelle (achetée par les habitués) encore fumante, pleine d’un ragoût ou d’un plat de pâtes en sauce. On frappe en cati­mi­ni à la porte de bois et on se glisse dans l’antre. Sou­venirs de repas et de ren­con­tres improb­a­bles à l’occasion du fes­ti­val des 3 Con­ti­nents, mélange de VIP et d’habitués, quipro­qu­os et bonne humeur. Adop­té par Alter­nantes radio, Michel Sour­get struc­ture ses entre­tiens et march­es radio­phoniques par le partage d’un verre à La Per­le, amenant avec lui nom­bre d’écrivains, sci­en­tifiques ou autres invités de pas­sage. Michel a décou­vert ce bar par l’intermédiaire de Stéphane Pajot, jour­nal­iste de presse locale qui a lui-même l’habitude de pass­er ponctuelle­ment avec ses invités. C’est ce bras­sage éclec­tique, avec la com­plic­ité ingénue de Lau­rent, qui donne à La Per­le son âme, son car­ac­tère, son esprit.

3 thoughts on “Deuxième période : Laurent gérant (2000–2009)

  1. A l attaque, ambiance chaleureuse et con­viviale, Lolo à su faire de ce lieu un endroit d échanges, de ren­con­tres, et beau­coup plus encore. Pour tout son par­cours, merci
    D avoir insuf­flé la beauté humaine qui est en cha­cun de nous, 🙏

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